Le mercredi 19 mai 1881, à l’aube de 7 heures, Jean-Baptiste Décamps, un marinier de 69 ans, émerge d’un sommeil réparateur. Malgré son âge avancé, Jean-Baptiste continue de travailler, économisant chaque sou pour sa retraite. À cette époque, les pensions de retraite privées ne sont pas obligatoires, et chacun cotise à sa guise. Jean-Baptiste, grâce à un revenu suffisant, a choisi de cotiser, mettant de côté chaque centime qu’il peut épargner.
Jean-Baptiste se lève avec difficulté de son lit, usé par des années de dur labeur. Il se lave, s’habille et se dirige vers la boulangerie de la place Duroc pour chercher son pain. Sa péniche est amarrée près du pont, lui permettant d’être toujours prêt à partir pour de nouvelles aventures sur la Moselle.
Il traverse la place Saint-Antoine, passe sous les arcades et arrive à la Boulangerie Shoff. Il y croise une connaissance, échange quelques mots de politesse et commande un pain long cuit au feu de bois. Il paie 0,05 cts et quitte la boulangerie, le pain sous le bras, saluant chaleureusement la boulangère, Mme Shoff.
Sur le chemin du retour à sa péniche, Jean-Baptiste croise un jeune homme qu’il reconnaît. C’est Joseph Egensperger, un ancien employé marinier de 20 ans. Jean-Baptiste le salue rapidement, mais le jeune homme ne répond pas, le dévisageant comme s’il lui en voulait de l’avoir licencié quelques mois plus tôt. Jean-Baptiste ne se laisse pas décontenancer et continue son chemin. Les temps sont durs pour les ouvriers, qu’ils soient à l’usine, dans les champs ou marins. Joseph doit vivre aux crochets de ses parents, qui ne sont pas plus riches que lui. Son père est ouvrier d’usine et sa mère lavandière chez les particuliers fortunés de la ville. Ils n’ont pas un gros salaire, mais ils ont accepté leur fils à la maison. Il est difficile de nourrir ses enfants à cette époque, surtout en ville. À la campagne, il y a de quoi nourrir tout le monde…
De retour sur sa péniche, Jean-Baptiste se prépare un bol de café chaud. Il s’installe à sa table pour prendre un bon petit déjeuner avant de commencer sa journée. Il découpe un morceau de son pain pour se faire une tartine de beurre qu’il dévore rapidement, la faim le tenaillant.
La matinée se déroule tranquillement. Jean-Baptiste attend un client qui doit venir le voir pour une commande de livraison de sable. Il est en train de lire son journal quand une voix l’appelle depuis le quai. Il se lève et sort. Il reconnaît son client, un monsieur d’une quarantaine d’années bien habillé et bien peigné qui le salue avec un sourire jovial. Jean-Baptiste invite son client à monter à bord pour discuter du contrat qu’il doit honorer.
Après avoir partagé un verre de vin avec son client pour conclure l’affaire, ils se séparent et Jean-Baptiste se met en route pour Nancy.
En fin de journée, après avoir livré le client, il rentre à Pont-à-Mousson. Il doit être 18h00 quand il arrive et s’amarre au quai qui donne sur la place Saint Antoine.
Il dîne vers 20h00 et se couche vers 21h00, fatigué de sa journée. Il ne met pas longtemps à s’endormir. La nuit est très calme et l’hiver très froid. Jean-Baptiste est bien enveloppé dans sa couverture de laine qui le maintient au chaud. Vers minuit, Jean-Baptiste est réveillé par un bruit de chute, comme si quelqu’un avait fait tomber un objet lourd. Il se lève et sort de sa pièce qui lui sert de chambre.
Il allume sa lampe à pétrole et voit à quelques pas de lui son ancien employé, Joseph Egensperger, lui faisant face, armé d’un sabre baïonnette. Jean-Baptiste, effrayé, lui demande en balbutiant ce qu’il fait là à cette heure de la nuit. Il sait bien qu’il n’est pas venu pour une visite de courtoisie, mais pour lui faire du mal. Sinon, à quoi aurait servi cette arme qu’il tient fermement dans sa main…
Joseph, surpris par son interlocuteur, était venu pour le voler. Dépité, il ne sait plus quoi faire : attaquer ou fuir. Pour Joseph, les secondes paraissent des heures et le temps semble s’être figé. Il ne faut surtout pas que le vieillard crie “au secours !” ou tente de l’attaquer le premier. Il faut profiter de son état de sidération qui le met en position de faiblesse.
Joseph Egensperger, ce grand gaillard mesurant 1,80 mètre tout en muscle, n’attend plus et saute sur sa victime en lâchant son sabre à terre. Il saisit son ex-employeur par le cou de ses mains puissantes et lui serre la gorge de toutes ses forces. Jean-Baptiste tente tant bien que mal de se défaire de cette prise, mais n’y parvient pas et, après une lutte acharnée, succombe par asphyxie. Joseph sent la vie s’échapper du corps du vieillard et le laisse choir à terre. Le corps de Jean-Baptiste gît sur le sol et Joseph, le regardant, se demande un instant s’il n’a pas signé son arrêt de mort.
Il reprend ses esprits, ramasse son arme et se met à chercher dans la péniche. Il était venu pour cambrioler et se met à chercher partout pour trouver l’argent que Jean-Baptiste cache. C’est dans une table contre une des parois de la péniche, en tirant un tiroir, qu’il trouve une liasse de billets pour une somme rondelette de 400 francs. Il se saisit de l’argent et s’enfuit à toutes jambes.
Le lendemain matin, on retrouve le corps sans vie du brave marinier de 69 ans. La police fait transporter le corps à la morgue de l’hôpital et ouvre une enquête pour meurtre.
On retrouve rapidement le criminel qui est jugé le samedi 7 mai 1881 à Nancy aux Assises et condamné à la prison. Il est gracié le 9 juillet 1881 par le président de la République, Jules Grévy. Il est envoyé au bagne pour effectuer sa peine et finit ses jours sur l’île Nou le 5 février 1908, à l’âge de 47 ans.
Les faits se sont bien dérouler ainsi. Seul l'histoire est romancé. Les noms sont aussi ceux des acteurs de cette histoire. |
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