Elle trône là, au vu et au su de tout le monde. Dans l’ancienne véranda qui servait de commerce à Claude Manginois, horticulteur de profession jusqu’en 2008, lorsque la retraite a sonné. À l’arrière de la maison, quelques serres rappellent encore que cette zone, dite des Maxouages, était une terre de culture. « Mon père André était avant moi maraîcher », confie Claude, qui a pris sa succession en 1971.
Il a repris le flambeau de la culture, sur ces mêmes terres, et « hérité » au passage d’une statue de saint Fiacre, le saint Patron des jardiniers. « Elle était installée sous une arche d’un ancien couvent. Elle y est restée très longtemps, à l’air libre », se souvient à son tour Maxime De Nadai. Trente ans d’amitiés qu’il choie avec son copain Claude. Alors, lorsque le poids des années a semblé trop peser sur les épaules de ce saint Fiacre, Maxime lui a redonné une cure de jouvence. « Ce n’était pas une statue comme les autres. Elle est faite en terre cuite, et avait d’ailleurs tendance à s’effeuiller », confie ce passionné qui, avec force de plâtre, a recollé la tête du saint Patron et recréé une collerette. Donné du lustre avec force de peinture. « Dans sa main vide, une bêche de chez Gouvy a été glissée. Et puis, on lui a mis un melon au pied », glisse Claude. Clin d’œil à un autre saint Fiacre nancéien. Une dernière retouche du regard plus tard, et voilà saint Fiacre sauvé des affres du temps.
Un témoin du passé
Un miraculé, diraient quelques fidèles de la paroisse qui se repassent l’histoire en boucle. Le récit d’un coup de folie qui se serait déroulé, à la fin des années 1960, à Pont-à-Mousson, mais aussi dans d’autres communes dont Belleau. « Une rumeur qui ne venait pas de l’évêché circulait, comme quoi il ne fallait pas idolâtrer des statues. Seul Dieu devait être respecté », détaille Maxime De Nadai. Pris au pied de la lettre, le « conseil » aurait conduit certains prêtres à casser des dizaines de statues. « À Pont-à-Mousson, toutes celles de l’église Saint-Laurent ont été jetées dans le puits du presbytère », jure Maxime. Saint-Martin aurait échappé à la curie… ainsi que le Saint-Fiacre, sauvé par André Manginois, et peut-être d’autres « Mon père connaissait bien le curé et s’est proposé de venir le chercher pour le mettre dans son jardin », pointe l’ancien horticulteur.
Depuis, il a placé ses cultures et quelques rares plantes, sous la protection de ce Saint-Fiacre qui fut offert par les Américains en 1917, en remplacement d’une précédente statue détruite durant la Première Guerre mondiale. Près d’un demi-siècle plus tard, Claude Manginois et Maxime De Nadai aimeraient bien voir leur saint Fiacre revenir en sa demeure. « Qu’il soit replacé dans l’église Saint-Laurent. Ou pourquoi pas, au musée ? », lancent-ils de concert, soucieux de préserver une fois pour toutes cette statue, dernier vestige d’un grand passé mussipontain pour le maraîchage.