Alors que je me livrais à des recherches sur la chasse aux sorcières
à Pont-à-Mousson au XVIe siècle, mon attention fut attirée par un
ouvrage fort érudit que j'ai découvert par hasard dans les archives
gratuites de la Bibliothèque nationale de France. Cet ouvrage,
rédigé par l'Abbé Eugène Martin, explore en profondeur l'histoire
de l'Université de Pont-à-Mousson. L'auteur, dont on peut consulter
la biographie sur le site dédié, s'attache principalement à
éclairer les raisons impérieuses qui motivèrent la fondation de
cette université précisément à Pont-à-Mousson, les circonstances
de sa création, ainsi que les divers acteurs qui intervinrent pour
en assurer l'établissement dans cette ville, plutôt qu'ailleurs.
À
la lecture des vingt-quatre premières pages de ce document
historique, je dois avouer avoir été frappé par les motifs
invoqués que par les moyens employés pour cette entreprise.
L'université semble avoir été conçue dans la douleur, tant furent
nombreuses les réticences et oppositions qui se dressèrent contre
sa création, y compris de la part du pape de l'époque.
Pont-à-Mousson, prétendument mal famée et obscure, à l'instar de
nombreuses autres villes du duché de Lorraine en raison du manque
d'ordre qui y régnait, semblait peu propice à l'établissement
d'une telle institution.
De
surcroît, l'ouvrage ne mentionne ni soutien financier, ni appui
moral de la part des comtes de Mousson. Ceux-ci demeurent discrets et
singulièrement absents, car aucun passage des vingt-quatre premières
pages n'évoque leur intervention ou leur rôle en cette affaire.
Bien que la ville ait été fondée par ces mêmes comtes,
l'impression qui se dégage est celle d'une cité presque abandonnée
à ses habitants et à ses prélats impies. Cette première lecture
laisse donc entrevoir une histoire teintée d'abandon et de défis.
Mon
intention est de vous en offrir une traduction et un résumé fidèle,
non pour en faire un ouvrage, car tout y est déjà écrit, mais pour
tenter de saisir comment cette université a finalement vu le jour
sur les terres de Pont-à-Mousson.
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Il y avait dans les début du 16é siècle vers 1517 plusieurs ordres monastiques en Lorraine de l’époque qui s’écrivait d’ailleur « Lorrene ». Il y avait les Bénédictains, les Cistérciens, les Chanoines réguliers, les Prémontrés et les religieux mandiants, il est dit de ces ordres mandiants qu’ils étaient un ordre qui avait beaucoup perdu de son enthousiasme et de sa rigueur d’origine. En d’autres termes, ils ne sont plus aussi passionnés et stricts qu’il était au paravent. Ce qui est surprenant dans ce récit c’est ce qui va suivre.
La négligence était devenue courante dans les monastères, l’ignorance atteignant des sommets, et l’oisiveté ainsi que la dissipation étaient quotidiennes. Il y avait peu de respect pour les règles et les devoirs, et encore moins d’intérêt pour l’étude et la retraite spirituelle. Une indépendance scandaleuse régnait, où les repas, les jeux et la chasse étaient les activités les plus innocentes de ces religieux, surtout ceux qui étaient à leur tête. Les novices étaient laissés sans formation sérieuse, soumis aux caprices des anciens. La question qui m’a tarrodé l’esprit est quel était ces caprices ? Car la suite est pas mal non plus.
Les moines de Saint-Vanne ne se contentaient pas de se divertir entre eux à l’intérieur du monastère et dans quelques maisons à l’extérieur. Ils attiraient également de jeunes oisifs dans la cour du couvent pour jouer publiquement avec eux (je laisse à chacun d’interpréter ce jeux comme il lui conviendra, car il n’est pas précisé ce qu’ils faisaient avec ces jeunes gens ou même entre eux, mais je doute qu’ils jouaient au foot ou au monopoly). De plus, des femmes entraient dans le jardin et même dans le chœur du monastère, ce qui était considéré comme scandaleux à l’époque. Ces comportements montrent un relâchement moral et un manque de discipline parmi les moines, qui préféraient les plaisirs mondains et charnels à leurs devoirs spirituels.
Au XVIe siècle, les études dans l'abbaye de Saint-Vanne étaient presque abandonnées. Le prieur de l'abbaye, responsable de la gestion quotidienne et du bien-être spirituel des moines, souhaitait pourtant offrir une éducation à Didier de la Cour, un novice qui souhaitait devenir lui même moine bénédictain, ainsi qu'aux autres jeunes moines en formation. Cependant, il ne trouva aucun professeur de niveau quatrième au sein de l'abbaye. Le niveau quatrième de l’époque était un niveau supérieur pour les étudiants.
Face à cette difficulté, le prieur demanda l'aide de l'évêque de Verdun, Nicolas Psaume. Ce dernier, un haut dignitaire de l'Église, répondit à l'appel en cherchant un enseignant capable de fournir l'instruction nécessaire. Un autre exemple de l’ignorance et le laissé aller de certains moines de l’époque dont voici un bref récit : Un général en visite en Lorraine arriva un dimanche de Rameaux dans l'un de ses couvents. On lui servit un superbe dindon, et le général demanda au prieur : « Vous ne suivez donc pas le carême ? » Le prieur répondit : « Si, nous le suivons avec beaucoup de soin. » Le général répliqua : « Alors pourquoi nous servez-vous de la viande ? » Et le prieur de répondre : « Mais le carême ne commence que demain. » Dans son ignorance, le supérieur rivalisait avec le futur curé du carême pour l’improvisation.
L'évêque de Toul, Hugues des Hazards, dresse un triste tableau des couvents de son diocèse dans un récit édité en 1515 et déclare dans celui-ci:
"On pourrait appeler la pratique religieuse de ces moines une dégradation, ou même une dissolution de leur état. Et la raison est claire : regardez la richesse des religieux aujourd'hui, chacun plus avide et plus corrompu ; observez leur obéissance, il n'y a rien de plus révolté, de plus récalcitrant que les religieux d'aujourd'hui, du moins pour beaucoup d'entre eux. Si nous considérons leur jeunesse, leur consommation de viande, qui est interdite pour beaucoup, si nous examinons le silence, les aliments, les vêtements, les lits, les chaussures, les capuchons, les fourrures et autres habillements tels que les fourrures précieuses, nous ne pourrions plus dire qu'ils sont des religieux, mais plutôt des individus plus dépravés et plus indulgents que les laïcs."
Au 16e siècle, la plupart des monastères étaient à peine remplis. En 1564, le monastère de Senones n'avait que neuf moines. Comme les revenus dépassaient les dépenses, l'abbé Jean Durand de Crévic n'a pas hésité à accorder une prebende (une sorte de revenu) à l'une de ses nièces. À Moyen-Moutier, à la fin du 16e siècle, il n'y avait plus assez de prêtres pour célébrer les offices religieux dans le chœur, c'est-à-dire les prières et les cérémonies qui se déroulent dans la partie principale de l'église. Il a donc fallu en demander à Sainte-Vanne. En 1574, la Commanderie de Saint-Antoine à Pont-à-Mousson ne comptait que deux religieux.
Pour bien montrer la décadence au sein de l’église et des monastères, il y a eu une ordonnance du 12 janvier 1600 qui dit que les ecclésiastiques fréquentaient des maisons mal famées et recevaient chez eux des personnes plus que suspectes.
Il faut reconnaître que le clergé de l'époque était tombé dans
un profond discrédit. Il n'avait plus de considération de la part
des fidèles et ne montrait aucun véritable engagement pour le salut
des âmes. Peu à peu, les pratiques religieuses et le respect des
choses sacrées disparaissaient. De plus, quel est l'intérêt de
l'engagement si la connaissance manque ? Or, beaucoup trop de prêtres
vivaient dans une ignorance totale. L'un donnait l'absolution sans
confession préalable, un autre distribuait la communion sous les
deux formes (pain et vin), et certains permettaient que la Sainte
Eucharistie soit touchée par des hommes et même par des femmes.
Puisque l'ignorance et le relâchement étaient les grands maux de
l'époque, il était urgent d'y remédier en créant, conformément
aux directives du Concile de Trente, des centres où le clergé
pourrait se former à la science et à la vertu. Cela visait à
préparer les prêtres à lutter contre l'hérésie et à raviver en
eux, ainsi que chez les autres, la vie chrétienne qui s'éteignait.
À cette époque, la Lorraine était presque entièrement dépourvue
d'établissements d'enseignement. Les anciennes écoles épiscopales,
qui avaient jadis rayonné, étaient fermées. Les écoles
monastiques, dans les couvents où elles subsistaient encore, avaient
perdu leur ancienne réputation.
Les collèges et universités étaient souvent situés trop loin,
comme l’université de Trèves, rendant les études difficiles à
entreprendre pour beaucoup. À Nancy, près de la collégiale
Saint-Georges, il existait bien une petite école sous la supervision
d'un écolâtre (un maître d'école), mais elle n'était pas très
importante, avec seulement deux maîtres au plus. Cette école,
devenue trop petite, fut remplacée en 1576 par la Grande École,
située rue du Maure qui trompe. Cependant, la Grande École
elle-même fut dissoute en 1616 en raison du manque de maîtres
qualifiés.
Les Carmes de Baccarat continuaient à dispenser
des cours de théologie aux religieux des environs. Le duc de
Lorraine finançait également quelques étudiants pour qu'ils
poursuivent leurs études dans des universités étrangères. Un
seigneur de la Marche (une ancienne province chevauchant les régions
actuelles du Limousin et une partie du Berry) avait fondé à Paris
un collège portant le nom de sa province, destiné à quatre jeunes
gens de la Marche et à deux autres de Rosière-aux-Salines.
Mais tous ces efforts étaient insuffisants pour
combler les besoins éducatifs grandissants de l'époque et pour
remédier à une situation éducative perçue comme inadéquate.
L'université de Reims, bien qu'établie sur le modèle de celle de
Paris, était encore trop éloignée pour répondre aux besoins du
duché de Lorraine. (suite dans le prochaine chronique)
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