Tirey village disparut



En 1980 eurent lieu des fouilles archéologiques à la Vitrée anciennement le village de Tirey. En voici le compte rendu fait en 1982:

PONT-A-MOUSSON (Meurthe-et-Moselle). La Vitrée. (Coord. Lambert : 873,200 x 143,000). — C'est sur une terrasse alluvionnaire de la rive droite de la Moselle, à la base de la colline du Xon que s'est établi le village de Thirey, village détruit et abandonné en 1263 et dont l'emplacement a porté par la suite les noms de Vitrey, puis Vitrée. Large d'environ 200 m, elle est légèrement entaillée par deux petits ruisseaux qu'alimentent les nombreuses sources jaillissant des flancs du Xon. La fouille de ce site fait partie d'un programme de recherches sur les habitats et les nécropoles du haut Moyen Age dans les moyennes vallées de la Moselle et de la Seille. Une étude attentive des légères variations du relief et des mesures de résistivité des sols ont permis de fixer le choix de la zone à fouiller sur un quadrilatère de 50 m de côté correspondant à une légère surélévation du sol par rapport à l'espace environnant. Depuis avril 1980, un tiers environ de la zone retenue a été étudié exhaustivement. Les travaux ont mis au jour un ensemble de structures particulièrement complexe ; ils permettent déjà de se faire une idée des grandes phases d'occupation du site.
Deux sondages profonds ont mis en évidence un important bâtiment gallo-romain dont les murs étaient couverts d'enduits peints et dans lequel on a découvert une mosaïque et des sols aménagés avec canalisations. Ce bâtiment a été détruit à la fin du Ier ou au début du IIe siècle et reconstruit au IVe siècle.
Au VIe siècle mais surtout au VIIe siècle, une nécropole a été installée dans les structures antérieures. Les sépultures, orientées O.-E., tête à l'ouest, sont de types divers : en pleine terre, en caissons réutilisant les pierres des bâtiments gallo-romains détruits, en sarcophages trapézoïdaux en calcaire meusien, la plupart décorés.
A partir du VIIIe siècle et jusqu'à l'abandon du site, la nécropole a continué de se développer en recoupant les bâtiments gallo-romains et les tombes antérieures dont les corps sont simplement recoupes ou bien les ossements regroupés aux extrémités et le long des parois des nouvelles sépultures. Les sépultures connaissent des orientations diverses : N.-S., tête au nord ou au sud, ou bien O.-E., tête à l'ouest. Elles sont de types variés : en pleine terre, en caissons maçonnés ou non, en sarcophages du VIIe Siècle. Réutilisés, en sarcophages rectangulaires en calcaire du nord de la Meurthe-et-Moselle, en cercueils et dans des troncs d'arbre évidés. Un espace est réservé à l'inhumation des enfants en bas âge.
La nécropole, dans laquelle 401 corps ont été fouillés sur les 1 500 à 2 000 auxquels on peut estimer la contenance du cimetière si l'on tient compte de sa superficie et de la densité d'utilisation, s'étend autour d'un bâtiment rectangulaire, long de 16 m et large de 6,50 m, orienté O.-E., sur les murs nord et sud duquel on observe les appuis de deux voûtes en plein cintre. Quelques éléments d'un plancher subsistent dans l'angle S.O. Il s'agit des restes d'une église vraisemblablement utilisée comme cave au XVIe siècle et détruite à la fin du XVIIIe siècle. On a découvert un bâtiment de même époque attenant au premier et la fouille extérieure des murs, qui vient de débuter, montre une superposition d'édifices religieux.
La nécropole est limitée au nord par un mur d'environ 40 m de long, contre lequel viennent s'appuyer les maisons du village de Thirey. Les habitats reconnus jusqu'alors sont de deux types. Il s'agit tout d'abord de cabanes en bois carrées ou rectangulaires, non excavées, dont on retrouve les trous des poteaux et leur calage, à l'intérieur et à l'extérieur desquelles on observe des fosses. Ces constructions peuvent être datées des IXe et XIe siècle, mais une étude fine de la stratigraphie des fosses fait envisager la réutilisation de cabanes des VIIe et VIIIe siècle. Ces habitats sont très nombreux comparativement aux constructions du deuxième type. Ces dernières sont bâties en pierres maçonnées et sont datées des XIe et XIIe siècle. Elles se composent d'une pièce unique dont le sol est pavé de galets et de petites pierres calcaires. Un foyer circulaire fait de tuiles et de briques romaines réutilisées s'appuie contre l'un des murs, face à l'entrée. On a également mis au jour une cour et le début d'une rue empierrée.
Toujours dans le cadre du programme de recherches dans lequel s'inscrivent les fouilles de la Vitrée, sont menées parallèlement des études anthropologiques, paléopathologiques et paléodémographiques qui prennent en compte non seulement les ossements de ce cimetière mais aussi ceux provenant de fouilles antérieures (Raucourt, Eply, Clémery). L'étude est conçue comme devant porter sur la population régionale dans un espace de temps relativement long s'étendant au moins depuis l'époque gallo-romaine jusqu'à nos jours. La problématique générale, les moyens utilisés, les observations initiales et les premiers résultats se révèlent déjà d'un grand intérêt non seulement au niveau local mais également dans un espace beaucoup plus vaste. (Responsable de la fouille : Pierre Cuvelier ; responsables des études anthropologiques : J.M. et R. Soulié).

Les fouilles suites à l'agrandissement du lotissement de la Vitrée

Le village disparu de Tirey a fait l’objet de fouilles préventives lors de l’automne 2013 sous forme de sondages de diagnostic, prévus par loi sur l’archéologie préventive de 2001. Des tranchées en quinconce creusées sur 6 à 7% du terrain concerné ont montré la présence de vestiges intéressants.
Le site se trouve à environ 2 km au nord du centre de Pont à Mousson, sur la rive droite de la Moselle sur une terrasse alluviale (altitude 180m) au pied de la colline de Mousson. Cette terrasse est empruntée par la RN 57 qui a repris au moins en partie le tracé d’une voie ancienne. En 2009-2010 la décision de créer un lotissement et des commerces sur une zone de 11 ha a amené des sondages qui se sont révélés positifs pour au moins 30% de la parcelle dans la partie longeant la RN 57. Les sondages de diagnostic, prévus par loi sur l’archéologie préventive de 2001, se présentent sous la forme de tranchées en quinconce creusées sur 6 à 7% du terrain concerné. Ils ont montré la présence de vestiges intéressants sur près de 4 ha. Ils ont permis de déceler l’existence d’un petit bâtiment romain du IIIe siècle et surtout de vestiges d’occupation du Moyen Age avec une zone funéraire importante pouvant comporter peut-être 200 tombes. Il y avait déjà eu des fouilles dans le secteur, 300 m plus au nord en 1980-87 menées par Pierre Cuvelier1 lors de la création du lotissement de la Vitrée (toponyme qui semble dérivé de la vieille Tirey), faisant apparaitre une église, un village et une nécropole. Y-a-t-il continuité entre les 2 sites que sépare un ruisseau ?
Des documents donnent d’importants renseignements sur le site. Le testament de la comtesse Sophie de Bar au XIe siècle mentionne Tirey avec 2 églises : saint Pient et saint Martin. Une carte de 1720 fait apparaitre la route avec un cimetière et un lieu de culte et une croix. Louis de Mousson, seigneur de Mousson et comte de Bar par son mariage avec Sophie, fille du duc de Haute Lotharingie Fréderic II avait fait bâtir un château sur la colline au début du XIIe siècle. Les Bénédictins avaient installé un prieuré et fondé l’église de Tirey. Celle-ci appartenait au diocèse de Metz alors que l’autre rive de la Moselle dépendait du diocèse de Toul. Tirey était chef-lieu de paroisse pour Lesmesnils et le bourg de Mousson où est fondée une église en 1220.
Tout est remis en question en 1261. Thibaut II, comte de Bar fonde la ville neuve de Pont à Mousson en liaison avec le pont sur la Moselle construit en 1128-1130. Une charte d’affranchissement est destinée à attirer les habitants des villages voisins. Sur la rive gauche existait le village très ancien de Maidières, propriété de saint Lambert de Liège qui sera englobé dans la ville. Les habitants des villages de Tirey sur la rive droite et Rieupt sur la rive gauche sont forcés à s’installer en ville les villages étant détruits. La création de la ville relève ainsi d’un véritable synœcisme : 4 quartiers regroupent les habitants selon leur origine. Ceux de Tirey forment le bourg saint Martin, ceux de Maidières, le bourg saint Laurent, ceux de Rieupt le bourg sainte Croix, ceux de Blenod la paroisse saint Jean. Des portes de la muraille mènent vers les villages disparus. Longtemps on organisera des processions vers les chapelles qui marquent l‘emplacement des anciens villages.
Les découvertes archéologiques confirment, ce qui est rare, les sources historiques. Les fouilles ont été rendues difficiles par les conditions climatiques. Elles se sont limitées à 7000 m² mais ont fourni beaucoup de découvertes. Les vestiges se trouvaient à 10 cm sous le sol et avaient subi une forte érosion du fait des travaux agricoles. Il n’y a pas de continuité avec les traces d’occupation d’époque romaine. Deux dépotoirs ont fourni après tamisage une abondante céramique culinaire pour la période 480-510 qu’on peut rapprocher de celle trouvée sur les sites de Preny , de la ZAC de l’amphithéâtre de Metz et de Mondelange. Il s’agit d’une céramique rugueuse importée de l’Eifel qui a pris la place des céramiques romaines du IVe siècle en les imitant. Son importation cesse au début du VIe siècle, une production locale de la vallée de la Moselle prenant le relais. On trouve également de la vaisselle de table, représentée par des céramiques sigillées. Celles-ci portent fréquemment un décor incisé à la molette avec parfois des symboles chrétiens : croix, grappe de raisin, colombe sans qu’on puisse leur attribuer un usage liturgique. Cette zone devait se situer en périphérie d’un habitat mérovingien. Les fouilles font apparaitre surtout une occupation humaine qui va de l’époque carolingienne au XIIIe siècle sous forme de bâtiments d’habitation ou liés aux activités agricoles et artisanales. Les habitations n’utilisent pas la pierre. Elles sont décelables sous forme de trous liés aux poteaux de charpente, plus ancrés et aux poteaux de parois. Les murs devaient être en torchis et les toitures en chaumes. On trouve à proximité un puits sans cuvelage de pierre, des foyers culinaires, des silos, des greniers sur pilotis pour protéger les céréales des rongeurs. Il y a aussi de nombreuses cabanes basses excavées, qui servaient peut-être d’ateliers de tissage ou d’abris pour le petit bétail.
La voie ancienne mais ne ressemblant pas à une route romaine, sommairement empierrée structurait l’espace : les fermes étaient devant et les bâtiments utilitaires à l’arrière suivant un dispositif qu’on a trouvé aussi à Vitry sur Orne.
Cuvelier a dégagé une partie de la nécropole vers 1980. Elle a repris à partir du VIIe siècle l’emplacement de tombes romaines à incinération qui ont laissé des vases en verre du Ier siècle . Il s’agit de sarcophages en pierre où on a retrouvé peu de mobilier : céramique carolingienne et céramique du XIe-XIIe siècle.
1 Pierre Cuvelier : Mousson, de la Préhistoire aux temps modernes, première synthèse archéologique in 1990 Lotharingia 1990 vol 2 et Les premiers édifices chrétiens de Mousson in Les cahiers lorrains 1988


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