mardi 25 2025

Pont-à-Mousson, 1635 les Ombres de la Guerre de 30 ans



 
L'aube se levait à peine sur Pont-à-Mousson ce matin d'automne, mais déjà une odeur de fumée traînait dans les ruelles pavées. La Moselle, d'ordinaire si paisible, charriait des débris de barriques et des lambeaux d'étoffes. Depuis que les armées étrangères sillonnaient la Lorraine, la vieille cité universitaire ne connaissait plus la paix.
Carte des possessions territoriales des Habsbourg (en vert), à l'abdication de Charles Quint en 1555. © <em>Cambridge University Press</em>
Carte des possessions territoriales des Habsbourg (en vert), à l'abdication de Charles Quint en 1555. © Cambridge University Press


Dans sa maison près de l'église Saint-Martin, le vieux libraire Étienne serrait contre lui ses précieux volumes. Les cris des soldats résonnaient au loin. "Encore des Impériaux ou des Français ?" se demanda-t-il avec amertume. Depuis que le duc Charles IV avait pris parti contre le roi Louis XIII, leur duché n'était plus qu'un champ de bataille.


À l'université, le père jésuite Ambroise regardait avec désespoir la cour déserte. Où étaient passés les étudiants qui, cinq ans plus tôt, débattaient encore de théologie et de philosophie ? Les uns étaient morts dans les combats, les autres avaient fui vers des contrées plus sûres. Les murs de pierre gardaient les stigmates du dernier siège - des impacts de boulets, des traces de sang séché.


Dans les faubourgs, la misère s'étalait sans pudeur. Des femmes en haillons fouillaient les décombres à la recherche d'un quignon de pain. Le petit Jean, dix ans à peine, se souvenait du temps où son père, tanneur de son état, lui parlait de la prospérité de la ville. Maintenant, son atelier n'était plus que cendres, et son père gisait dans la fosse commune, emporté par la fièvre.Le tocsin sonna soudain à toute volée.

Des cavaliers approchaient par la route de Metz. "Les Suédois !" hurla une voix. Dans un vacarme de fer et de cris, la panique s'empara des survivants. Certains couraient vers les caves, d'autres vers les remparts en ruine. Étienne serra plus fort ses livres, ces fragiles témoins d'un monde qui peut-être ne reviendrait jamais.

La guerre de Trente Ans n'était pas pour Pont-à-Mousson une simple histoire de batailles lointaines. Elle était là, dans chaque maison pillée, dans chaque famille décimée, dans ces rues où rôdaient désormais la faim et la maladie. Le grand siècle de la Renaissance lorraine s'achevait dans le sang et les larmes.

Au crépuscule, quand les derniers cris se furent tus, une pluie fine se mit à tomber sur la ville martyre. Quelque part, un enfant pleurait. La guerre avait encore gagné une journée.

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